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Bienvenue dans le section blog. Ici, je partagerai des articles, des analyses et des réflexions sur des thématiques variées touchant à la psychologie clinique, aux thérapies cognitivo-comportementales (TCC), à la thérapie des schémas, à la neuropsychologie, ou encore à l'influence fascinante du langage sur notre vécu (un clin d'œil à ma spécialisation en Sciences du Langage). L'objectif est de vous offrir des éclairages accessibles sur des concepts parfois complexes, de décrypter certaines dynamiques psychologiques et de vous proposer des pistes concrètes pour cultiver votre bien-être mental au quotidien. Cette section sera alimentée régulièrement par de nouveaux articles basés sur les données scientifiques actuelles et mon expérience clinique.
Comprendre la Préoccupation Chronique pour Mieux Agir (Approche Bio-Psycho-Sociale)
Nous connaissons tous des moments d'inquiétude. Face à un examen, une décision importante ou une difficulté passagère, l'anxiété est une réaction humaine normale et souvent adaptative. Cependant, lorsque cette inquiétude devient excessive, persistante, difficile à contrôler et qu'elle envahit la majorité des journées, touchant de multiples domaines de la vie, on parle alors de Trouble Anxieux Généralisé (TAG). Loin d'être un simple "trait de caractère anxieux", le TAG est un trouble psychiatrique qui peut entraîner une détresse significative et altérer considérablement le fonctionnement quotidien. Cet article propose un décryptage du TAG à travers une lentille bio-psycho-sociale, enrichie d'éclairages complémentaires, pour mieux en saisir la complexité et les pistes d'accompagnement.
La dimension biologique du TAG : Quand le Corps et le Cerveau sont en Alerte
Notre compréhension du TAG s'est affinée grâce aux neurosciences, qui mettent en lumière plusieurs facteurs biologiques :
Neurobiologie de l'Inquiétude : Des études d'imagerie cérébrale suggèrent une hyperactivité de l'amygdale (structure clé dans la détection de la menace et la réponse émotionnelle) et un possible dysfonctionnement du cortex préfrontal, impliqué dans la régulation des émotions et la prise de décision. Selon le DSM-5-TR (American Psychiatric Association, 2022), ces circuits de la peur et de l'anxiété sont centraux. Des déséquilibres au niveau de certains neurotransmetteurs, notamment le GABA (acide gamma-aminobutyrique, qui a un rôle inhibiteur et calmant), la sérotonine (impliquée dans la régulation de l'humeur et de l'anxiété) et la noradrénaline (associée à la réponse au stress), sont également fréquemment évoqués dans la littérature scientifique (par exemple, voir les travaux de synthèse comme ceux de Martin et al., 2009, sur la neurobiologie de l'anxiété généralisée, publiés dans Archives of General Psychiatry).
Facteurs Génétiques et Épigénétiques : Il existe une composante héréditaire dans le TAG. Des études sur les jumeaux indiquent quenviron 30% de la variance du risque de TAG pourrait être attribuable à des facteurs génétiques (Hettema et al., 2001, American Journal of Psychiatry). L'épigénétique, qui étudie comment l'environnement peut modifier l'expression de nos gènes, offre également des pistes pour comprendre comment des expériences de vie stressantes pourraient influencer la vulnérabilité au TAG.
Comorbidités Somatiques : Le TAG est souvent associé à des symptômes physiques chroniques tels que tensions musculaires, fatigue, troubles du sommeil, irritabilité, et troubles gastro-intestinaux. Ces manifestations soulignent l'intrication étroite entre le psychisme et le corps.
La Dimension Psychologique du TAG : Pensées, Émotions et Comportements en Jeu
Au niveau psychologique, plusieurs modèles nous aident à comprendre les mécanismes du TAG :
🔷 Modèles Cognitifs et Comportementaux (TCC) :
L'Intolérance à l'Incertitude : Un concept central, développé notamment par Dugas et ses collaborateurs (par ex., Dugas et al., 1998, Journal of Anxiety Disorders), postule que les personnes souffrant de TAG ont une difficulté marquée à accepter l'ambiguïté et la possibilité d'événements négatifs, même peu probables. Le souci devient alors une tentative (inefficace) de prévoir et de contrôler l'avenir pour réduire cette incertitude.
Les Croyances sur le Souci (Métacognitions) : Adrian Wells (par ex., Wells, 2005, Cognitive Therapy and Research) distingue les croyances positives sur le souci ("s'inquiéter m'aide à me préparer", "s'inquiéter montre que je suis responsable") et les croyances négatives sur l'incontrôlabilité et le danger du souci lui-même ("mes soucis pourraient me rendre fou", "je ne peux pas arrêter de m'inquiéter"). Ce "souci à propos du souci" est un moteur puissant du TAG.
Biais Attentionnels : Les personnes avec un TAG ont tendance à orienter plus facilement leur attention vers des informations menaçantes dans leur environnement.
Évitement Cognitif : Paradoxalement, le souci, bien que verbal, peut être une forme d'évitement des images mentales anxiogènes plus intenses et des émotions profondes associées.
🔷 Le Rôle des Schémas Précoces Inadaptés (Thérapie des Schémas) : Bien que le TAG ne soit pas un trouble de la personnalité, certains schémas précoces inadaptés, développés dans l'enfance ou l'adolescence, peuvent constituer un terrain fertile. Par exemple :
Le schéma "Vulnérabilité au danger ou à la maladie" : Croyance que le monde est un lieu dangereux et qu'une catastrophe peut survenir à tout moment.
Le schéma "Exigences élevées / Critique excessive" : Une pression interne à toujours performer ou éviter les erreurs, pouvant générer une anxiété anticipatoire constante. (Source : Young, Klosko & Weishaar, 2003, Schema Therapy: A Practitioner's Guide).
Aspects Neuropsychologiques : Certaines études suggèrent que des difficultés au niveau des fonctions exécutives (planification, flexibilité mentale, inhibition) pourraient contribuer au maintien des soucis excessifs, rendant plus difficile le désengagement des pensées anxieuses. (Par exemple, des études de Miu et al., 2008, publiées dans Progress in Neuro-Psychopharmacology and Biological Psychiatry, ont exploré ces liens).
La Dimension Sociale et Linguistique du TAG : L'Anxiété dans son Contexte
Le TAG ne se vit pas en vase clos ; il est influencé par et influence l'environnement social et la manière dont nous communiquons :
Impact Fonctionnel : Le TAG peut sévèrement entraver le fonctionnement social (évitement de situations par peur de ne pas pouvoir gérer son anxiété, irritabilité affectant les relations), professionnel (difficultés de concentration, procrastination due à l'anxiété de performance, absentéisme) et familial (tensions, surprotection des proches).
Expression Verbale des Soucis : Le langage est le principal véhicule du souci. L'analyse du discours d'une personne souffrant de TAG révèle souvent des boucles de pensées répétitives, des scénarios catastrophes ("Et si...?"), et une difficulté à conclure ou à relativiser. La manière dont l'entourage réagit à ces expressions (réassurance excessive, minimisation, agacement) peut aussi jouer un rôle dans le maintien.
Facteurs Socio-Culturels : Des facteurs comme l'insécurité socio-économique, la pression à la performance et à la réussite, l'exposition constante à des informations anxiogènes via les médias, ou encore des normes culturelles valorisant le contrôle et l'anticipation peuvent contribuer à un climat favorisant l'anxiété. Les données épidémiologiques (par ex. issues de l'OMS) montrent des variations de prévalence selon les contextes.
Éclairages Complémentaires : D'autres Fenêtres pour Comprendre
Pour enrichir notre compréhension, il est utile de considérer d'autres perspectives théoriques, à titre d'hypothèses complémentaires :
Perspective Systémique : Comment le TAG d'un membre de la famille s'insère-t-il dans les dynamiques relationnelles ? Par exemple, une anxiété parentale excessive peut avoir modelé un sentiment d'insécurité chez l'enfant. Parfois, le "symptôme" anxieux d'une personne peut, paradoxalement, maintenir un certain équilibre au sein du système familial, en focalisant l'attention et en évitant d'autres conflits plus latents.
Perspective Humaniste : Cette approche mettrait l'accent sur le vécu subjectif de l'individu : la perte de liberté intérieure engendrée par le souci constant, l'entrave à l'épanouissement personnel (l'actualisation de soi selon Maslow ou Rogers), et la possible déconnexion d'avec ses besoins et valeurs profondes au profit d'une tentative de contrôle illusoire.
Perspective Psychodynamique : Le souci chronique pourrait être interprété comme un mécanisme de défense contre des angoisses plus fondamentales, des conflits internes non résolus ou des désirs refoulés. L'énergie psychique serait ainsi canalisée dans des préoccupations plus "mentalisables", bien que douloureuses.
Pistes Thérapeutiques : Vers un Apaisement Durable
Heureusement, le TAG est un trouble pour lequel des prises en charge efficaces existent. L'objectif n'est pas d'éliminer toute anxiété (ce qui n'est ni possible ni souhaitable), mais de réduire son intensité, sa fréquence, et surtout l'impact négatif sur la vie.
🔷 Les Psychothérapies :
La Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC) est considérée comme le traitement de première intention (selon les recommandations de nombreuses instances comme la Haute Autorité de Santé en France ou le NICE au Royaume-Uni). Elle aide à identifier et modifier les pensées dysfonctionnelles, à travailler sur l'intolérance à l'incertitude, à s'exposer graduellement aux situations redoutées (ou à l'incertitude elle-même), à réduire les comportements d'évitement et de réassurance, et à développer des stratégies de gestion de l'anxiété plus adaptées. Les approches de troisième vague, comme la thérapie ACT (Thérapie d'Acceptation et d'Engagement) ou la thérapie basée sur la pleine conscience (MBCT), peuvent aussi être très bénéfiques.
La Thérapie des Schémas peut être indiquée si des schémas précoces inadaptés contribuent significativement au TAG.
🔷 Les Approches Pharmacologiques : Certains médicaments, comme certains antidépresseurs (ISRS ou IRSNa) ou anxiolytiques (sur une courte durée pour les benzodiazépines en raison du risque de dépendance), peuvent être prescrits par un médecin ou un psychiatre, souvent en association avec une psychothérapie. Ils visent à corriger les déséquilibres neurobiologiques sous-jacents. (Source : Revue Médicale Suisse, 2010).
Hygiène de Vie : Une bonne hygiène de vie (activité physique régulière, alimentation équilibrée, sommeil suffisant, techniques de relaxation) peut également contribuer à une meilleure gestion de l'anxiété.
Conclusion : Une Compréhension Intégrative pour une Prise en Charge Adaptée
Le Trouble Anxieux Généralisé est une pathologie complexe, résultant d'une interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Le comprendre à travers ce prisme bio-psycho-social permet non seulement de déstigmatiser la souffrance des personnes qui en sont atteintes, mais aussi d'orienter vers des prises en charge plus complètes et personnalisées. Si vous vous reconnaissez dans cette description, ou si l'un de vos proches est concerné, n'hésitez pas à consulter un professionnel de santé (médecin généraliste, psychologue, psychiatre) qui pourra poser un diagnostic précis et vous proposer un accompagnement adapté.
La Richesse Insoupçonnée de Nos Expériences Internes
Notre monde intérieur, cette scène privée où se jouent nos pensées, nos souvenirs et nos imaginations, est d'une diversité souvent méconnue. Si beaucoup d'entre nous tiennent pour acquise la présence d'une "petite voix" narrative ou la capacité à visualiser des images mentalement, ces expériences ne sont pas universelles. Aujourd'hui, nous allons explorer deux variations fascinantes de la cognition humaine : l'anendophasie, ou l'absence de dialogue intérieur verbalisé, et l'aphantasie, l'incapacité à former volontairement des images mentales. Loin d'être des pathologies, ces particularités illustrent l'extraordinaire plasticité et la variété des fonctionnements cognitifs. Cet article se propose de les présenter, d'explorer leurs points communs et leurs spécificités, à la lumière d'une approche bio-psycho-sociale.
1. L'Anendophasie : Penser Sans Mots Internes Audibles
L'anendophasie, terme introduit par Nedergaard et Lupyan (2023) pour décrire l'absence de monologue interne, se distingue de l'anauralie, absence plus large d'imagerie auditive (Tel que décrite par "The British Psychological Society"). L'anendophasie (littéralement "absence de parole intérieure") désigne une expérience cognitive où l'individu ne perçoit pas de monologue intérieur verbalisé, cette "voix dans la tête" que beaucoup décrivent.
🔷 Présentation Bio-Psycho-Sociale :
Biologique : Les bases neurobiologiques exactes de l'anendophasie sont encore à l'étude. La parole intérieure est souvent définie comme une image auditive-articulatoire (Geva & Fernyhough, 2019). L'anendophasie serait son absence subjective. La parole intérieure implique classiquement des régions cérébrales liées au langage (aire de Broca, aire de Wernicke) et au contrôle moteur (comme si l'on se préparait à parler), ainsi que le Default Mode Network (DMN). Chez les personnes anendophasiques, il est possible que ces réseaux soient activés différemment ou que la pensée prenne des formes non verbales prédominantes (conceptuelle, sensorielle non verbale). Russell Hurlburt, un chercheur pionnier dans l'étude des "expériences subjective", a beaucoup contribué à la description de ce phénomène à travers sa méthode dite "d'échantillonnage de l'expérience descriptive" (DES) (Hurlburt, R. T., & Heavey, C. L., 2006, Exploring Inner Experience).
Psychologique (Cognitif, Émotionnel, Comportemental, Schémas) :
Cognitif : Les personnes anendophasiques pensent, bien sûr, mais leur pensée ne prend pas la forme d'un flux de mots auto-audibles. Elles peuvent décrire une pensée sous forme de concepts purs, de sensations, d'images (si elles ne sont pas aphantasiques) ou d'une "conscience non symbolique". Cela ne signifie pas une absence de langage interne au sens de Vygotsky (langage comme outil de pensée), mais une absence de sa verbalisation phénoménologique. Les tâches de mémoire de travail verbale, de planification ou de résolution de problèmes peuvent emprunter des voies alternatives. D'ailleurs, certains auteurs (Hurlburt et al., 2024), distingue "parole intérieure" (avec voix) et "pensée formulée" (mots sans son). Des études récentes indiquent qu'une faible parole intérieure est associée à des performances réduites en mémoire de travail verbale.
Émotionnel : L'impact sur la régulation émotionnelle est une question encore soumis à l'étude. La verbalisation interne est souvent vue en TCC comme un médiateur dans la prise de conscience et la restructuration des pensées automatiques. Les personnes anendophasiques pourraient utiliser d'autres stratégies, peut-être plus kinesthésiques ou conceptuelles, pour traiter leurs émotions. Certains schémas (ex: "manque affectif", "isolement social") pourraient être vécus différemment ou maintenus par des processus internes non verbaux.
Comportemental : Peu de données existent sur des différences comportementales systématiques. L'adaptation semble être la règle.
Social/Linguistique/Culturel :
Linguistique : L'expression verbale externe n'est généralement pas affectée. Cependant, la manière de décrire son propre processus de pensée peut différer. Une personne anendophasique pourrait avoir du mal à comprendre l'insistance culturelle sur le "dialogue intérieur" ou les injonctions à "écouter sa petite voix".
Social : La découverte de cette différence peut parfois entraîner un sentiment d'étrangeté ou d'isolement, jusqu'à ce que la personne réalise qu'il s'agit d'une variation et non d'un déficit.
🔷 Éclairages Complémentaires (hypothétiques) :
Approche Humaniste : L'expérience subjective de l'anendophasique est unique. Comment construit-il son sens du soi et du monde sans ce "narrateur interne" ? La recherche d'authenticité pourrait passer par l'expression de cette expérience singulière.
Perspective Psychodynamique : On pourrait très spéculativement se demander si, dans certains cas (et non comme caractéristique générale), l'absence de verbalisation interne pourrait être liée à des mécanismes de défense anciens contre des pensées ou affects jugés menaçants, ou à une prédominance de modes de pensée plus primaires (au sens de non-verbaux). Ceci reste purement hypothétique et nécessiterait des investigations individuelles approfondies.
2. L'Aphantasie : L'Esprit Sans "Visualisation Mentale"
L'aphantasie, décrite pour la première fois par Sir Francis Galton au 19ème siècle et popularisée par les travaux de l'équipe du Professeur Adam Zeman (Zeman et al., 2015, Lives without imagery – Congenital aphantasia, Cortex), se caractérise par une incapacité à créer volontairement des images mentales visuelles.
🔷 Présentation Bio-Psycho-Sociale :
Biologique : Les études d'imagerie cérébrale suggèrent que l'aphantasie pourrait être liée à des différences dans l'activation et la connectivité des réseaux cérébraux impliqués dans la vision et la mémoire, notamment le cortex visuel et les régions fronto-pariétales. Il existe un spectre, allant de l'absence totale d'imagerie à une imagerie faible (hypophantasie).
Psychologique (Cognitif, Émotionnel, Comportemental, Schémas) :
Cognitif : Les personnes aphantasiques pensent et se souviennent, mais sans support visuel mental. Leur mémoire autobiographique, par exemple, est souvent décrite comme factuelle, sémantique, plutôt que revécue sous forme d'images (Zeman et al., 2020, Aphantasia: The science of visual imagery extremes, The Neuroscientist). Elles peuvent savoir qu'elles ont vu quelque chose sans pouvoir le "revoir" mentalement. La créativité peut s'exprimer différemment, moins par la visualisation que par la conceptualisation ou la construction.
Émotionnel : L'imagerie mentale est impliquée dans l'anticipation et la reviviscence émotionnelle. Certaines études suggèrent que les personnes aphantasiques pourraient avoir des réponses émotionnelles atténuées à la lecture de textes effrayants, par exemple. En TCC, des techniques comme l'exposition en imagination ou la restructuration par imagerie pourraient nécessiter des adaptations (ex: exposition par scripts verbaux détaillés, focalisation sur les sensations corporelles). Des schémas liés à la compétence ou à la connexion aux autres pourraient être influencés par cette modalité perceptive différente.
Comportemental : Les stratégies de résolution de problèmes ou d'apprentissage peuvent être plus verbales ou conceptuelles.
Social/Linguistique/Culturel :
Linguistique : Les métaphores visuelles ("je vois ce que tu veux dire") sont utilisées, mais comprises de manière plus abstraite. La description de souvenirs ou de projets peut être moins imagée.
Social : Comme pour l'anendophasie, la prise de conscience de cette différence peut être un moment clé. Expliquer à quelqu'un qui visualise aisément qu'on ne "voit" rien en fermant les yeux peut être source d'incompréhension mutuelle.
🔷 Éclairages Complémentaires (hypothétiques) :
Approche Systémique : Comment la famille ou le couple s'adapte-t-il à cette différence de "langage" perceptif ? Un partenaire très visuel et un partenaire aphantasique peuvent avoir besoin de développer des stratégies de communication spécifiques pour partager leurs expériences.
Approche Humaniste : L'expérience aphantasique du monde est qualitativement différente. Quelle est la nature de leur conscience perceptive ? Comment cela façonne-t-il leur sentiment d'être au monde ?
3. Anendophasie et Aphantasie : Points Communs et Divergences
Variations, Non Pathologies : Le point le plus crucial est que ni l'anendophasie ni l'aphantasie ne sont considérées comme des troubles psychiatriques ou neurologiques au sens du DSM-5-TR ou de la CIM-11. Ce sont des variations du fonctionnement cognitif normal.
Prise de Conscience Souvent Tardive : Beaucoup de personnes concernées ne réalisent leur particularité qu'à l'âge adulte, souvent en discutant avec d'autres de leur manière de penser.
Stratégies Compensatoires : Le cerveau est plastique. Les individus développent souvent inconsciemment des stratégies cognitives alternatives pour naviguer dans le monde, se souvenir, apprendre et résoudre des problèmes.
Co-occurrence ? La question de la co-occurrence de l'anendophasie et de l'aphantasie n'a pas réellement été étudié. Il n'est théoriquement pas impossible qu'une personne puisse présenter les deux, ayant alors une expérience interne principalement conceptuelle ou sensorielle non visuelle et non verbalisée. Des études sont nécessaires pour établir des prévalences et des corrélations précises.
Impact sur la Santé Mentale : Il n'y a pas de lien direct établi avec une vulnérabilité accrue à des troubles spécifiques. Cependant, la découverte de sa différence et le sentiment de ne pas être compris peuvent générer de l'anxiété ou un questionnement identitaire temporaire, qui peut bénéficier d'un accompagnement psychologique. Du point de vue des TCC, comprendre ces particularités est essentiel pour adapter les techniques (ex: comment faire de la restructuration cognitive sans dialogue interne audible ? Comment utiliser l'imagerie thérapeutique chez un aphantasique ?).
Importance de la Neurodiversité : Ces variations soulignent le concept de neurodiversité, invitant à une plus grande acceptation des différentes manières de penser et de percevoir le monde.
4. Implications pour les Professionnels et la Recherche
En tant que cliniciens et chercheurs, la reconnaissance de l'anendophasie et de l'aphantasie est primordiale :
🔷 Pour les Psychologues et Psychothérapeutes :
Adapter les techniques thérapeutiques : Les TCC, par exemple, qui s'appuient souvent sur l'identification du dialogue intérieur ou l'imagerie mentale, peuvent nécessiter des ajustements créatifs (ex: utilisation de l'écriture, focalisation sur les "pensées ressenties" ou les concepts, techniques d'exposition basées sur des narrations factuelles et sensorielles).
Valider l'expérience du patient : Reconnaître que son mode de pensée est une variation légitime et non un "problème" à corriger.
Comprendre l'impact sur les schémas : Un schéma d'imperfection pourrait être exacerbé si l'individu se sent "anormal" avant de comprendre sa neuroparticularité.
🔷 Pour les Neuropsychologues : Explorer les corrélats neuronaux et les profils cognitifs associés pour mieux comprendre les bases de la pensée et de la conscience.
🔷 Pour les Chercheurs en Sciences du Langage : Étudier comment l'absence de verbalisation interne affecte l'acquisition, le traitement et la conceptualisation du langage, et comment ces individus décrivent leur propre pensée. La sociolinguistique peut s'intéresser aux discours et aux communautés qui se forment autour de ces expériences.
🔷 Pour la Recherche Future : Des études longitudinales, des investigations sur la prévalence combinée, et l'exploration de l'impact sur différents domaines de la vie (créativité, apprentissage, relations sociales) sont nécessaires.
Conclusion : Célébrer la Diversité Cognitive
L'anendophasie et l'aphantasie nous ouvrent une fenêtre sur l'incroyable spectre de l'expérience humaine. Elles nous rappellent que notre "normalité" subjective n'est qu'une version parmi d'autres. Plutôt que de chercher à uniformiser la pensée, la compréhension et l'acceptation de ces variations enrichissent notre vision de l'esprit humain. Si vous vous reconnaissez dans ces descriptions, sachez que vous n'êtes pas seul(e) et que votre manière de fonctionner est une facette de la neurodiversité.
Références bibliographiques :
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Le Meltdown et le Shutdown : Analyse des Réactions de Surcharge dans le Trouble du Spectre de l'Autisme
Le meltdown et le shutdown sont deux manifestations comportementales intenses, souvent mal comprises et confondues avec des caprices ou des troubles du comportement volontaires. En réalité, il s'agit de réponses neurobiologiques involontaires à une surcharge sensorielle, émotionnelle, cognitive ou sociale qui excède les capacités de traitement et de régulation de la personne. Bien qu'ils soient particulièrement documentés dans le trouble du spectre de l'autisme (TSA), des réactions similaires peuvent être observées dans d'autres conditions impliquant des difficultés de régulation sensorielle ou émotionnelle (TDAH, anxiété, stress post-traumatique).
1. Le Meltdown : L'Externalisation d'une Surcharge Incontrôlable
Le meltdown (parfois traduit par "crise explosive" ou "effondrement") est une perte de contrôle temporaire et intense en réponse à une surcharge. Il s'agit de l'expression externalisée de la détresse.
Manifestations observables : Cris, pleurs intenses, agitation motrice (stéréotypies augmentées), propos perçus comme agressifs, auto-agressivité (se frapper, se mordre) ou hétéro-agressivité (lancer des objets, frapper). Il est crucial de le distinguer d'un "caprice" (tantrum) : un caprice est souvent orienté vers un but (obtenir quelque chose) et cesse lorsque le but est atteint, tandis qu'un meltdown est une réaction de perte de contrôle qui ne s'arrête que lorsque l'orage neurochimique interne s'apaise.
Analyse selon le Modèle Bio-Psycho-Social :
🔷 Axe Biologique / Neuropsychologique : Le meltdown est la conséquence directe d'une surcharge du système nerveux central.
Hyper-réactivité sensorielle : Les personnes autistes présentent souvent une hyper-réactivité aux stimuli sensoriels (bruits, lumières, textures, etc.), un critère diagnostique du DSM-5-TR (Critère B.4). L'accumulation de ces stimuli sature les capacités de traitement du cerveau.
Dysfonctionnement exécutif : Des difficultés au niveau des fonctions exécutives, notamment l'inhibition (incapacité à filtrer les stimuli non pertinents ou à inhiber une réponse émotionnelle) et la flexibilité cognitive (difficulté à s'adapter à un changement imprévu), sont des facteurs prédisposants majeurs.
Réponse de "Lutte ou Fuite" (Fight-or-Flight) : La surcharge active massivement l'amygdale, le centre de détection de la menace du cerveau. Cela déclenche une cascade de réactions du système nerveux sympathique : libération d'adrénaline et de cortisol, augmentation du rythme cardiaque, tension musculaire. Le meltdown est l'expression comportementale de cette réponse de "lutte".
🔷 Axe Psychologique (Cognitivo-Comportemental & Schémas) :
Cascade cognitive : La surcharge est souvent précédée par une escalade de pensées anxieuses ou rigides. Un changement imprévu peut activer des pensées catastrophiques ("Tout est gâché", "Je n'y arriverai jamais"). Cette rigidité cognitive est une cible fréquente en Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC).
Activation de schémas : La situation de surcharge peut activer des Schémas Précoces Inadaptés (selon la Thérapie des Schémas de Young). Par exemple, un sentiment d'incompréhension sociale peut activer un schéma d'Exclusion/Rejet ou de Carence Affective, intensifiant la détresse émotionnelle jusqu'au point de rupture. Le sentiment d'être submergé peut activer un schéma de Peur du danger ou de la maladie (peur de perdre le contrôle).
🔷 Axe Social / Linguistique :
Coût de la communication et du masquage : Les interactions sociales exigent un effort cognitif immense pour une personne autiste (décoder le non-verbal, comprendre l'implicite). Le "masquage" ou "camouflage social", qui consiste à imiter les comportements neurotypiques pour s'intégrer, est extrêmement coûteux en énergie cognitive et constitue un facteur de risque majeur de surcharge.
Incompréhension et invalidation : Lorsque la personne tente d'exprimer sa détresse ou de poser une limite et qu'elle n'est pas entendue ou crue, ce sentiment d'invalidation peut être le déclencheur final du meltdown.
2. Le Shutdown : L'Internalisation de la Surcharge
Le shutdown (effondrement/retrait) est une réponse de surcharge tout aussi intense, mais qui s'exprime de manière internalisée. Le système nerveux, pour se protéger d'une stimulation excessive, se "déconnecte".
Manifestations observables : Retrait social marqué, regard vide, perte temporaire de la parole (mutisme situationnel), extrême passivité, hyporéactivité motrice (bouge peu ou lentement), incapacité à répondre aux sollicitations. Le shutdown est souvent moins visible et peut être interprété à tort comme de la bouderie, de l'impolitesse ou de l'ignorance.
Analyse selon le Modèle Bio-Psycho-Social :
🔷 Axe Biologique / Neuropsychologique :
Réponse de "Figement" (Freeze) : Le shutdown est souvent conceptualisé via la Théorie Polyvagale de Stephen Porges. Face à une menace perçue comme insurmontable (la surcharge), le système nerveux parasympathique, via sa branche la plus primitive (le complexe vagal dorsal), s'active. Cela entraîne une immobilisation, une baisse drastique du tonus, un ralentissement du métabolisme et une "déconnexion" pour conserver l'énergie et survivre à la menace. C'est un état d'hypo-activation.
Surcharge exécutive : Les fonctions exécutives sont temporairement "hors service". La personne ne peut plus planifier une réponse, traiter le langage ou initier une action. C'est un véritable "court-circuit" du cortex préfrontal.
🔷 Axe Psychologique (Cognitivo-Comportemental & Schémas) :
Comportement d'échappement/évitement extrême : Le shutdown peut être vu comme la forme la plus radicale du comportement d'évitement. L'environnement interne (pensées, émotions) et externe est devenu si aversif que le seul échappatoire possible est une dissociation protectrice.
État de dissociation : L'expérience subjective est souvent décrite comme un sentiment d'être spectateur de son propre corps, ou d'être dans une "bulle" ou sous l'eau, où les stimuli extérieurs sont assourdis et irréels.
🔷 Axe Social / Linguistique :
Aphasie/mutisme fonctionnel : La perte de la parole n'est pas un refus de communiquer, mais une incapacité neurobiologique à accéder aux réseaux du langage. Le coût de la production ou de la compréhension du langage devient prohibitif.
Mauvaise interprétation sociale : Le shutdown expose la personne à des jugements sociaux négatifs (être snob, non coopératif), ce qui peut augmenter l'anxiété sociale et créer une boucle de rétroaction négative, rendant les futures interactions encore plus redoutées.
3. Éclairages Complémentaires d'Autres Approches
Perspective Systémique : Comment le système (familial, scolaire, professionnel) réagit-il au meltdown ou au shutdown ? Un environnement qui répond par la punition ou l'invalidation peut créer une circularité : la réaction du système devient un déclencheur supplémentaire, augmentant la probabilité de futures crises. À l'inverse, un système qui apprend à reconnaître les précurseurs et à co-réguler peut aider à maintenir l'homéostasie (l'équilibre) et réduire la fréquence des surcharges.
Perspective Humaniste : Le meltdown et le shutdown peuvent être vus comme la conséquence d'une incongruence massive entre l'expérience interne de la personne (détresse, besoin de calme) et les exigences de l'environnement. C'est une tentative, bien que dysfonctionnelle, de protéger son authenticité et son intégrité face à un monde perçu comme invalidant et envahissant. La crise est un signal que des besoins fondamentaux de sécurité et de respect de son propre rythme ne sont pas satisfaits.
4. Stratégies de Prévention et d'Accompagnement (Fondées sur les preuves)
L'approche la plus efficace est proactive et centrée sur la prévention de la surcharge.
Prévention (avant la crise) :
Aménagement de l'environnement : Mettre en place un "régime sensoriel" ou une "diète sensorielle" pour réduire les stimuli aversifs (casque anti-bruit, lunettes de soleil, éviter les lieux bondés).
Prévisibilité et structure : Utiliser des plannings visuels, des routines claires et prévenir des changements à l'avance pour réduire l'incertitude et la charge cognitive.
Psychoéducation et auto-connaissance : Aider la personne à identifier ses propres déclencheurs, ses signes précurseurs de surcharge (ex: agitation, fatigue, irritabilité) et ses besoins de régulation.
Développement de compétences : Apprendre des stratégies de régulation émotionnelle (techniques de respiration, auto-apaisement) et des compétences de communication assertive (apprendre à dire "non", à demander une pause).
Co-régulation : Pour les enfants ou les personnes ayant besoin de plus de soutien, la présence calme et rassurante d'un tiers peut aider à réguler le système nerveux avant que la surcharge ne soit totale.
Gestion (pendant la crise) :
Priorité à la sécurité : Éloigner les objets dangereux, assurer un espace sécurisé.
Réduire les stimuli : Baisser la lumière, parler peu et d'une voix calme, ne pas toucher la personne sans sa permission.
Ne pas raisonner ni punir : Le cerveau n'est pas en état de traiter l'information logique. Toute tentative de discussion sera un stimulus supplémentaire.
Valider l'émotion, pas le comportement : Un simple "Je vois que c'est très difficile pour toi en ce moment" peut être plus aidant que toute autre chose.
Récupération (après la crise) :
Temps de repos : Le meltdown et le shutdown sont extrêmement énergivores. La personne aura besoin de temps au calme pour récupérer.
Réassurance : Offrir du réconfort, sans jugement. La personne peut ressentir de la honte ou de la culpabilité après la crise.
Analyse douce (bien plus tard) : Une fois la personne complètement calmée et reposée, il peut être utile de discuter (si elle le souhaite) de ce qui a pu déclencher la surcharge pour mieux l'anticiper à l'avenir.
Conclusion
Comprendre le meltdown et le shutdown à travers le prisme bio-psycho-social permet de dépasser la vision d'un simple "comportement à gérer". Il s'agit de réponses neurobiologiques légitimes à une surcharge insupportable, enracinées dans une architecture cérébrale et un traitement sensoriel spécifiques. Une approche informée, empathique et proactive, centrée sur la prévention par l'aménagement de l'environnement et le développement de compétences, est non seulement plus humaine mais également plus efficace que des stratégies réactives ou punitives.
Références bibliographiques :
American Psychiatric Association. (2022). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th Edition, Text Revision (DSM-5-TR). American Psychiatric Publishing. (Pour les critères diagnostiques du TSA).
Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-regulation. W. W. Norton & Company. (Pour la base théorique de la réponse de "figement"/shutdown).
Baron-Cohen, S., et al. (2009). The hyper-systemizing, assortative mating theory of autism. Progress in Neuro-Psychopharmacology and Biological Psychiatry, 33(5), 849-851. (Pour les aspects cognitifs et la rigidité).
Hull, L., et al. (2017). "Putting on My Best Normal": Social Camouflaging in Adults with Autism Spectrum Conditions. Journal of Autism and Developmental Disorders, 47(8), 2519–2534. (Pour le coût du camouflage social).
Laurent, A. C., & Ollendick, T. H. (2013). A cognitive behavioral treatment for anxiety in youth with autism spectrum disorders. In Handbook of evidence-based practice in clinical psychology, Vol. 1: Child and adolescent disorders (pp. 369-397). John Wiley & Sons Inc. (Pour les approches TCC).
Dans un monde où la flexibilité et l'accessibilité sont devenues des maîtres mots, la manière dont nous accédons aux soins de santé mentale évolue également. La psychothérapie en ligne, ou télépsychothérapie, s'est imposée non plus comme une alternative de fortune, mais comme une modalité de soin à part entière, offrant des avantages considérables. Mais au-delà de la commodité, la question fondamentale demeure : est-elle vraiment efficace ? Et plus spécifiquement, qu'en est-il des Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) dispensées à distance ?
L'Émergence d'une Modalité Thérapeutique Validée
Si l'idée de consulter un psychologue via un écran pouvait sembler futuriste il y a quelques années, la pandémie de COVID-19 a accéléré son adoption et, par conséquent, les recherches sur son efficacité. Aujourd'hui, un consensus scientifique se dégage : pour une large gamme de troubles psychologiques, la psychothérapie en ligne peut être aussi efficace que la thérapie traditionnelle en personne.
Ce constat est particulièrement pertinent pour les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC). Grâce à leur nature structurée, leur accent sur des objectifs concrets et l'apprentissage de compétences spécifiques, les TCC se prêtent remarquablement bien aux formats numériques. Elles utilisent des outils et des exercices qui peuvent être facilement adaptés et partagés à travers des plateformes en ligne, maintenant ainsi l'intégrité et l'efficacité de l'approche.
Que Disent les Données Probantes ?
La validation de la psychothérapie en ligne ne repose pas sur de simples anecdotes, mais sur un corps croissant de recherches scientifiques rigoureuses. De nombreuses études et méta-analyses, conformes aux standards méthodologiques exigeants de l'American Psychological Association (APA), confirment son efficacité :
Réduction des Symptômes d'Anxiété et de Dépression : Des revues systématiques et méta-analyses majeures ont démontré que les TCC dispensées sur internet sont tout aussi efficaces que les TCC en face-à-face pour atténuer les symptômes de troubles anxieux (tels que le trouble panique, l'anxiété sociale, le trouble d'anxiété généralisée) et de la dépression. Une étude emblématique de Carlbring et al. (2018), publiée dans Cognitive Behaviour Therapy, a notamment consolidé ces preuves. En effet, cette étude fournit des preuves solides de la non-infériorité des TCC en ligne par rapport aux TCC en présentiel pour une gamme étendue de troubles psychiatriques et somatiques.
Levée des Barrières à l'Accès aux Soins : Au-delà de l'efficacité clinique pure, la télépsychothérapie joue un rôle crucial dans l'augmentation de l'accès aux soins. Elle abolit les obstacles géographiques pour les personnes vivant dans des zones rurales ou éloignées, contourne les problèmes de transport, s'adapte aux emplois du temps chargés, et peut même réduire le sentiment de stigmatisation associé à la consultation en cabinet pour certains individus.
Haute Satisfaction des Patients : De nombreux patients ayant expérimenté la thérapie en ligne rapportent des niveaux élevés de satisfaction. Ils apprécient la flexibilité, le confort de leur propre environnement, et la capacité à intégrer plus facilement la thérapie dans leur vie quotidienne.
Nuances et Considérations Importantes
Il est essentiel de souligner que la recherche sur la psychothérapie en ligne est un domaine en constante évolution. Si l'efficacité est bien établie pour un grand nombre de troubles courants, la pertinence de cette modalité peut varier en fonction des situations individuelles.
Complexité des Cas : Pour les troubles très sévères, les situations de crise aiguë, ou les cas nécessitant une intervention immédiate ou une interaction non verbale très poussée, la thérapie en personne peut rester privilégiée ou nécessiter un complément.
Qualité de la Connexion et du Cadre : Une bonne connexion internet et un environnement privé et sécurisé du côté du patient sont des prérequis pour assurer la qualité de la séance.
La Relation Thérapeutique : Peu importe la modalité, la qualité de la relation thérapeutique (ou alliance thérapeutique) reste le facteur le plus prédictif de l'issue positive d'une thérapie. Un bon psychologue saura établir et maintenir cette connexion, que ce soit en ligne ou en face-à-face.
Conclusion
La psychothérapie en ligne représente une avancée majeure dans l'accès aux soins psychologiques. Validée par la science et plébiscitée par de nombreux patients, elle offre une voie efficace et flexible vers l'amélioration de votre santé mentale.
Références Scientifiques :
Carlbring, P., Andersson, G., Hoffmann, S., Hofstadter-Thalmann, L., Nilsson, L. S., et al. (2018). Internet-based vs. face-to-face cognitive behavior therapy for psychiatric and somatic disorders: An updated systematic review and meta-analysis. Cognitive Behaviour Therapy, 47(1), 1-18. DOI: 10.1080/16506073.2017.1408362
Les découvertes de la génétique comportementale moderne en psychiatrie
Un article, publié par Robert Plomin et Evangelos Vassos (2025), explore les découvertes récentes de la génétique comportementale et de leur importance pour la compréhension des problèmes psychiatriques. Le but est de traduire des concepts techniques pour les cliniciens et, dans votre cas, pour un public plus large.
Le message central est que notre patrimoine génétique (notre ADN) joue un rôle beaucoup plus important et plus complexe dans la santé mentale que ce que l'on a pu croire par le passé. Les auteurs remettent en question certaines idées reçues sur la nature et l'environnement.
Les points clés de l'article :
L'héritabilité des problèmes psychiatriques est significative : En moyenne, environ la moitié des différences entre les personnes concernant les problèmes psychiatriques peuvent être expliquées par des différences génétiques héritées. C'est une influence majeure, bien plus grande que la plupart des autres facteurs individuels que l'on étudie en psychiatrie. Cependant, il est crucial de comprendre que l'héritabilité est une statistique qui s'applique à une population, pas à un individu. Un individu n'est pas "déterminé" à 50 % par ses gènes ; cela signifie plutôt que les différences génétiques sont une cause systématique importante des pathologies. La génétique ne nie pas l'utilité des thérapies, car même une pathologie 100 % héritable pourrait être traitée efficacement.
L'environnement n'est pas ce que nous pensons : L'article nuance fortement la notion d'"environnement". La recherche sur les jumeaux et les adoptions a montré que l'influence de l'environnement familial partagé (grandir avec les mêmes parents et frères/sœurs) ne rend pas les enfants plus similaires les uns aux autres en ce qui concerne la psychopathologie. Les influences environnementales qui comptent sont celles qui sont "non partagées", c'est-à-dire uniques à chaque individu, comme les accidents, les maladies ou les relations avec les amis et les enseignants. De manière surprenante, ces facteurs non partagés peuvent être en grande partie aléatoires et imprévisibles. L'article suggère d'accepter cette part d'aléatoire pour réduire la stigmatisation et se concentrer sur le développement de la résilience pour y faire face.
Les gènes influencent l'environnement : Une découverte radicale est que les mesures de l'environnement (comme le style parental ou les événements de vie) sont elles-mêmes influencées par la génétique, à hauteur d'environ 25 % en moyenne. Cela s'explique par le fait que nous ne subissons pas passivement notre environnement ; nous le sélectionnons, le modifions et le créons en fonction de nos propres prédispositions génétiques. Par conséquent, la corrélation que l'on peut observer entre un certain type d'éducation et des problèmes psychologiques n'est pas toujours une relation de cause à effet "de l'environnement vers le gène". Les auteurs estiment que les deux tiers de la corrélation entre la négativité maternelle et le comportement antisocial de l'adolescent peuvent être attribués à des facteurs génétiques. Cette compréhension permet aux cliniciens d'aider les individus à prendre conscience de la manière dont leurs prédispositions génétiques façonnent leurs expériences afin de pouvoir, si possible, les anticiper et les modifier.
La révolution de l'ADN et les "scores polygéniques" : La génétique moderne permet désormais d'identifier de multiples différences d'ADN qui contribuent à la psychopathologie. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a pas un seul gène (ou une poignée) pour un trouble donné, mais des milliers de petites différences génétiques qui s'additionnent. On peut regrouper ces différences dans un "score polygénique". Bien que ces scores soient encore modestes dans leur capacité de prédiction pour le grand public , ils sont très prometteurs, notamment pour les individus situés dans les extrêmes (par exemple, un score très élevé pour la schizophrénie multiplie le risque par 40 par rapport à un score très bas). À l'avenir, ces scores pourraient servir de systèmes d'alerte précoce, permettre la prévention et aider à personnaliser les traitements.
Un nouveau regard sur les diagnostics : La recherche génétique remet en question la classification actuelle des troubles mentaux. D'abord, elle montre un chevauchement génétique important entre des diagnostics que l'on considérait comme distincts, comme la schizophrénie et le trouble bipolaire (leur corrélation génétique est de 0.68). Ces chevauchements suggèrent l'existence d'un "facteur p" (pour psychopathology), une vulnérabilité générale et transdiagnostique aux problèmes de santé mentale. Ensuite, la recherche génétique suggère que les troubles psychiatriques ne sont pas des catégories qualitatives distinctes, mais plutôt des dimensions quantitatives. Les individus diagnostiqués avec un trouble n'ont pas de mutations uniques mais possèdent simplement, en moyenne, plus de différences d'ADN associées à ce trouble.
Conclusion
En conclusion, l'article encourage les cliniciens à adopter cette nouvelle perspective génétique, qui ne doit pas être interprétée comme un déterminisme, mais comme une nouvelle façon de comprendre les vulnérabilités et les interactions complexes entre notre biologie et nos expériences de vie. Dans cette perspective, la génétique moderne nous donne les clés pour passer d'une approche réactive (traiter les problèmes après leur apparition) à une approche proactive (prévenir et personnaliser le soin). C'est une ère où le rôle de la clinique est plus que jamais essentiel : il s'agit d'accompagner les patients, armés de ces nouvelles connaissances, pour naviguer dans leur propre trajectoire de vie, en renforçant la résilience et en créant des environnements qui favorisent la santé mentale.
Référence bibliographique :
Plomin, R., & Vassos, E. (2025). What clinicians should know about the contribution of modern behavioral genetics to psychiatric problems.
La technique du "Cognitive Shuffle" est une approche de distraction cognitive développée pour aider les personnes qui ont du mal à s'endormir en raison de pensées intrusives, de ruminations ou d'une hypervigilance liée au sommeil. Elle s'inscrit pleinement dans une approche psycho-comportementale.
Composante psychologique (cognitive) : L'objectif est de rompre le cycle des pensées anxieuses qui maintiennent le cerveau en état d'éveil. Au lieu de se concentrer sur l'incapacité à s'endormir (ce qui génère de l'anxiété et active le système nerveux), cette technique demande à l'individu de générer mentalement une séquence de pensées aléatoires. Concrètement, la méthode consiste à choisir un mot de cinq lettres (par exemple, "DOUCE") et, pour chaque lettre, à se visualiser mentalement des objets ou des concepts qui commencent par cette lettre (D comme "dauphin", O comme "oiseau", U comme "univers", etc.). Après avoir épuisé les possibilités pour ce mot, on passe à un autre mot. Cette tâche, suffisamment simple pour ne pas être stressante, mais assez engageante pour empêcher les ruminations, permet de détourner l'attention de l'anxiété liée au sommeil.
Composante biologique : En détournant l'attention de la menace perçue (l'insomnie), la technique réduit l'activation du système nerveux sympathique (la réponse "combat ou fuite"). Cela favorise la prédominance du système nerveux parasympathique, associé au repos et à la digestion, ce qui est nécessaire pour permettre le début du processus d'endormissement (ralentissement du rythme cardiaque, diminution de la tension musculaire, etc.). L'esprit n'est plus en état d'alerte, ce qui est une condition nécessaire à la transition vers le sommeil.
Ouverture et éclairages Complémentaires
D'un point de vue systémique, on pourrait émettre l'hypothèse que l'insomnie n'est pas un problème isolé, mais une manifestation d'un déséquilibre dans l'ensemble de la vie de la personne, peut-être liée à des rôles ou des dynamiques relationnelles qui génèrent du stress. La technique du "Cognitive Shuffle" agit alors comme un "tampon" qui, en gérant le symptôme, peut permettre au système de retrouver un certain équilibre temporaire, mais sans adresser les causes profondes. Cette perspective souligne l'importance d'une évaluation complète, au-delà de la simple technique d'endormissement.
Rappel des Limites et Recommandation Médicale
Il est crucial de rappeler que la technique du "Cognitive Shuffle", bien qu'elle puisse être un outil utile, n'est qu'une approche cognitive pour gérer les ruminations et l'anxiété liées à l'insomnie. Elle ne traite pas les causes sous-jacentes de l'insomnie elle-même.
En effet, l'insomnie peut être un symptôme d'une autre condition médicale ou psychologique, telle que :
Un trouble psychiatrique (dépression, trouble anxieux généralisé, trouble bipolaire, TSPT).
Un trouble médical (douleurs chroniques, apnée du sommeil, syndrome des jambes sans repos, problèmes hormonaux).
L'effet secondaire d'une médication ou d'une consommation de substances.
Mais aussi d'autres affections ...
Pour cette raison, avant de vous fier à cette seule technique, il est impératif de consulter un médecin ou un professionnel de santé qualifié si vos difficultés d'endormissement perdurent (c'est à dire qu'elles ne sont pas pas transitoires). Il est le seul à pouvoir réaliser un diagnostic précis, écarter d'éventuelles causes organiques ou psychiatriques de l'insomnie, et proposer une stratégie thérapeutique complète et adaptée à votre situation. La thérapie cognitivo-comportementale de l'insomnie (TCC-I) est d'ailleurs le traitement de première intention recommandé par les guidelines.
La douleur chronique représente un défi majeur en santé publique et en pratique clinique. Pendant des décennies, la compréhension de la douleur a été dominée par une dichotomie : la douleur nociceptive, résultant d'une lésion tissulaire réelle ou potentielle (ex: arthrose, brûlure), et la douleur neuropathique, causée par une lésion ou une maladie du système somatosensoriel (ex : douleur post-zostérienne, c'est à dire, qui perdure après un zona, neuropathie diabétique...). Cependant, de nombreux patients présentent des douleurs chroniques diffuses sans aucune évidence de lésion tissulaire ou nerveuse périphérique pour les expliquer. Pour combler cette lacune, l'Association Internationale pour l'Étude de la Douleur (IASP) a introduit en 2017 un troisième mécanisme : la douleur nociplastique (Kosek et al., 2016).
Ce concept marque un changement de paradigme, déplaçant le focus de la périphérie (le site de la "blessure") vers le système nerveux central (SNC) comme générateur et mainteneur de la douleur.
1. Analyse Principale (Modèle Bio-Psycho-Social)
La douleur nociplastique est l'archétype de la condition nécessitant une approche bio-psycho-sociale, car ses mécanismes et ses manifestations sont inextricablement liés à ces trois dimensions.
1.1. Axe Biologique / Psychiatrique
Le mécanisme neurobiologique central de la douleur nociplastique est la sensibilisation centrale. Il s'agit d'une hyperexcitabilité des neurones du SNC (moelle épinière et cerveau) qui entraîne une amplification des signaux de douleur et une perception douloureuse en réponse à des stimuli normalement non douloureux (allodynie) ou douloureux mais de faible intensité (hyperalgésie).
a) Mécanismes Neurobiologiques :
Neurotransmission Excitatoire Accrue : Une activité neuronale persistante conduit à une augmentation de la libération de neurotransmetteurs comme le glutamate et la substance P, entraînant une hyperexcitabilité des récepteurs (notamment les NMDA) au niveau de la moelle épinière (Woolf, 2011).
Défaut de Modulation Descendante : Les voies inhibitrices descendantes, qui partent du tronc cérébral et utilisent la sérotonine et la noradrénaline pour "freiner" les signaux de douleur au niveau de la moelle épinière, sont dysfonctionnelles. Ce déficit d'inhibition contribue à l'amplification du message douloureux (Ossipov et al., 2010). Cela explique en partie l'efficacité (modérée) de certains antidépresseurs (IRSNA, tricycliques) dans ces conditions.
Réorganisation Cérébrale : Des études en neuro-imagerie fonctionnelle (IRMf) montrent chez les patients souffrant de fibromyalgie (un exemple prototypique de douleur nociplastique) une réorganisation des cartes corticales et une activité anormale dans les régions du cerveau composant la "matrice de la douleur" (cortex cingulaire antérieur, insula, cortex somatosensoriel) (Apkarian et al., 2005).
b) Comorbidités Psychiatriques : Il existe une très forte comorbidité entre les syndromes de douleur nociplastique et les troubles anxieux ou dépressifs. La relation est bidirectionnelle : la douleur chronique est un facteur de risque majeur de dépression, et inversement, un état dépressif ou anxieux abaisse le seuil de la douleur et exacerbe sa perception en raison de neurotransmetteurs et de circuits cérébraux partagés (notamment sérotoninergiques) (Bair et al., 2003).
1.2. Axe Psychologique (Cognitif, Émotionnel, Comportemental & Schémas)
Les facteurs psychologiques ne sont pas de simples "conséquences" de la douleur ; ils sont des composants actifs du mécanisme de la sensibilisation centrale et de la perpétuation du handicap.
a) Facteurs Cognitivo-Comportementaux :
Catastrophisme : Il s'agit d'une orientation cognitive négative face à la douleur, caractérisée par la rumination, l'amplification des sensations et un sentiment d'impuissance. Le catastrophisme est l'un des prédicteurs les plus puissants de l'intensité de la douleur et du niveau d'incapacité fonctionnelle (Sullivan et al., 2001).
Kinésiophobie et Modèle de l'Évitement par la Peur (Fear-Avoidance Model) : La croyance que le mouvement est dangereux et va aggraver la "lésion" (même si inexistante) mène à un évitement des activités physiques. Cet évitement entraîne un déconditionnement musculaire, une raideur, une diminution de la fonctionnalité, ce qui paradoxalement augmente la douleur lors de toute tentative de mouvement, renforçant ainsi la croyance initiale et créant un cercle vicieux dévastateur (Vlaeyen & Linton, 2000).
b) Perspective des Schémas (Young) :
Schéma de Vulnérabilité au danger ou à la maladie : Les sensations corporelles, même bénignes, sont interprétées à travers le filtre d'une catastrophe imminente. La douleur est perçue comme un signe que le corps est fragile et en train de se détériorer, ce qui alimente l'hypervigilance et l'anxiété.
Schéma d'Imperfection/Honte : Le fait d'avoir une "maladie invisible" et souvent invalidée par l'entourage ou le corps médical peut activer un sentiment profond de honte et d'être défectueux, menant à l'isolement social.
1.3. Axe Social, Linguistique et Culturel
Facteurs Socio-Environnementaux : L'absence de marqueurs biologiques clairs pour la douleur nociplastique conduit souvent à une invalidation de la souffrance du patient par son entourage social, familial et parfois même médical. Cette non-reconnaissance est une source majeure de détresse psychologique, d'isolement et de frustration, qui aggrave le vécu douloureux. L'impact sur la vie professionnelle et les rôles sociaux est également considérable.
Facteurs Linguistiques et Narratifs : La manière dont le patient parle de sa douleur ("un feu qui me dévore", "un étau qui me broie", "mon corps est mon ennemi") n'est pas anodine. Ces métaphores structurent l'expérience subjective de la douleur et peuvent renforcer les croyances catastrophistes et le sentiment d'impuissance. Le diagnostic de "douleur nociplastique" peut en soi avoir un effet thérapeutique en offrant un cadre explicatif neurobiologique légitime, déculpabilisant, et remplaçant des étiquettes stigmatisantes comme "psychosomatique" ou "douleur inexpliquée".
2. L'intérêt des Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) dans la prise en charge de la douleur nociplastique
Face à un mécanisme où les facteurs psychologiques sont si centraux, les TCC représentent une approche de première ligne, non pas parce que la douleur est "dans la tête", mais parce que le cerveau et les processus mentaux sont les lieux où se déroulent la sensibilisation centrale et les apprentissages comportementaux qui la maintiennent. L'objectif des TCC n'est pas d'éliminer la douleur, mais de rompre les cercles vicieux qui l'amplifient et de réduire son impact sur la vie du patient.
Les TCC pour la douleur chronique ciblent directement les facteurs identifiés dans l'axe psychologique du modèle bio-psycho-social :
a) Psychoéducation : Expliquer le modèle de la douleur nociplastique et la sensibilisation centrale. Cette étape est cruciale pour déculpabiliser le patient et lui donner un modèle de compréhension qui légitime sa souffrance tout en lui redonnant du pouvoir d'agir.
b) Restructuration Cognitive : Identifier et modifier les pensées catastrophistes ("Si j'ai mal, c'est que je m'abîme", "Je ne pourrai plus jamais rien faire").
3) Techniques Comportementales :
Exposition Graduée à l'Activité : Pour contrer la kinésiophobie, le patient est encouragé à reprendre progressivement des activités qu'il évitait, en commençant par des objectifs très modestes pour prouver par l'expérience que le mouvement n'est pas dangereux.
Gestion de l'Activité (Activity Pacing) : Apprendre à alterner des périodes d'activité et de repos pour éviter les cycles "boom-bust" (en faire trop les bons jours et le payer les jours suivants).
4) Stratégies de Gestion (Coping) : Techniques de relaxation, de respiration, et de pleine conscience (Mindfulness) pour apprendre à mieux moduler la réponse attentionnelle et émotionnelle à la douleur.
Les approches de la "troisième vague" des TCC, comme la Thérapie d'Acceptation et d'Engagement (ACT), sont particulièrement pertinentes. L'ACT ne cherche pas à changer le contenu des pensées sur la douleur, mais à changer la relation du patient à sa douleur, en favorisant l'acceptation des sensations inévitables tout en (ré)engageant des actions guidées par ses valeurs personnelles (Veehof et al., 2016).
3. Éclairages Complémentaires
Perspective Systémique : On pourrait émettre l'hypothèse que la douleur chronique peut devenir un élément organisateur du système familial. Le patient adopte un "rôle du malade" qui peut, de manière non consciente, figer les interactions. L'entourage peut développer des comportements de surprotection (sollicitude) qui, bien que bienveillants, renforcent les conduites d'évitement du patient.
Perspective Humaniste : La douleur chronique peut être vue comme une crise existentielle, entraînant une perte de sens, d'identité et de projet de vie. La thérapie peut alors se centrer sur la reconstruction d'un "soi" et d'un sens à la vie, malgré la présence de la douleur.
Perspective Psychodynamique : À titre d'hypothèse, on pourrait explorer si la douleur, notamment dans son caractère diffus et envahissant, ne pourrait pas être une manifestation somatique d'affects (colère, tristesse) non mentalisés ou liés à des traumatismes passés non résolus. Cette perspective reste toutefois à manier avec prudence pour éviter de pathologiser le patient.
Références bibliographique :
Apkarian, A. V., Bushnell, M. C., Treede, R. D., & Zubieta, J. K. (2005). Human brain mechanisms of pain perception and regulation in health and disease. European Journal of Pain, 9(4), 463–484. https://doi.org/10.1016/j.ejpain.2004.11.001
Bair, M. J., Robinson, R. L., Katon, W., & Kroenke, K. (2003). Depression and pain comorbidity: A literature review. Archives of Internal Medicine, 163(20), 2433–2445. https://doi.org/10.1001/archinte.163.20.2433
Kosek, E., Cohen, M., Baron, R., Gebhart, G. F., Mico, J. A., Rice, A. S. C., Rief, W., & Sluka, A. K. (2016). Do we need a third mechanistic descriptor for chronic pain states? Pain, 157(7), 1382–1386. https://doi.org/10.1097/j.pain.0000000000000507
Ossipov, M. H., Dussor, G. O., & Porreca, F. (2010). Central modulation of pain. Journal of Clinical Investigation, 120(11), 3779–3787. https://doi.org/10.1172/JCI43766
Sullivan, M. J. L., Thorn, B., Haythornthwaite, J. A., Keefe, F., Martin, M., Bradley, L. A., & Lefebvre, J. C. (2001). Theoretical perspectives on the relation between catastrophizing and pain. The Clinical Journal of Pain, 17(1), 52–64. https://doi.org/10.1097/00002508-200103000-00008
Veehof, M. M., Trompetter, H. R., Bohlmeijer, E. T., & Schreurs, K. M. G. (2016). Acceptance- and mindfulness-based interventions for the treatment of chronic pain: A meta-analytic review. Cognitive Behaviour Therapy, 45(1), 5–31. https://doi.org/10.1080/16506073.2015.1098724
Vlaeyen, J. W. S., & Linton, S. J. (2000). Fear-avoidance and its consequences in chronic musculoskeletal pain: A state of the art. Pain, 85(3), 317–332. https://doi.org/10.1016/S0304-3959(99)00242-0
Woolf, C. J. (2011). Central sensitization: Implications for the diagnosis and treatment of pain. Pain, 152(3 Suppl), S2–S15. https://doi.org/10.1016/j.pain.2010.09.030
Introduction : Le Stress, une Réalité à Trois Dimensions
Le stress est bien plus qu'une simple sensation de "submersion" ; c'est un phénomène complexe qui se situe à l'intersection de notre biologie, de nos pensées et de notre environnement social. Pour le comprendre, le modèle bio-psycho-social offre un cadre holistique, reconnaissant que notre santé est le produit d'une interaction dynamique entre ces trois facettes indissociables.
L'axe Biologique : Il s'agit de la mécanique interne du stress, notre héritage évolutif. C'est une réponse physiologique fondamentale, conçue pour maintenir notre équilibre interne (ou "homéostasie") face à une menace. Elle est orchestrée par nos systèmes neuroendocriniens et immunitaires.
L'axe Psychologique : Ici, le cerveau est le chef d'orchestre. Un événement n'est pas stressant en soi ; il le devient à travers notre perception. C'est l'évaluation cognitive d'un déséquilibre entre les exigences d'une situation et nos ressources pour y faire face qui déclenche la cascade biologique (Lazarus & Folkman, 1984).
L'axe Social : En tant qu'êtres sociaux, nos relations sont à la fois une source majeure de stress (conflits, isolement) et notre plus grande force. Le soutien social, par exemple, agit comme un puissant facteur de protection, capable de moduler la réponse biologique au stress.
Cet article vous propose de plonger au cœur de ces mécanismes pour comprendre comment une réaction de survie, conçue pour un monde de menaces physiques, peut, lorsqu'elle est sans cesse activée par les pressions psychosociales modernes, user notre organisme.
Partie 1 : La Mécanique du Stress Aigu - Notre Système d'Alarme Interne
Les fondations de notre compréhension du stress ont été posées par des pionniers comme Walter Cannon, qui a décrit la fameuse réponse de « combat ou fuite », et Hans Selye, qui a défini le stress comme une réponse non spécifique du corps à toute demande qui lui est faite (Selye, 1956). Cependant, des chercheurs comme Richard Lazarus et Susan Folkman (1984) ont ensuite précisé que c'est notre évaluation cognitive qui est le véritable déclencheur.
Une fois que le cerveau perçoit une menace, il active une alarme orchestrée par deux systèmes fonctionnant à des vitesses différentes.
La Voie Rapide (l'axe SAM) : L'Action Immédiate. En quelques secondes, le système nerveux sympathique ordonne aux glandes surrénales de libérer massivement de l'adrénaline. Les effets sont instantanés : le cœur s'accélère, la pression artérielle monte, la respiration s'intensifie, et les muscles reçoivent un afflux de glucose pour une action explosive.
La Voie Lente (l'axe HHS) : L'Endurance. Si la menace persiste, une cascade hormonale plus lente se met en place. L'hypothalamus libère de la CRH, qui pousse l'hypophyse à sécréter de l'ACTH. Cette dernière ordonne aux glandes surrénales de produire du cortisol, notre principale hormone de stress. Le rôle du cortisol est de soutenir l'effort dans la durée, en mobilisant les réserves d'énergie du corps et en modulant la réponse immunitaire.
Une fois le danger écarté, un mécanisme de rétrocontrôle négatif, où le cortisol lui-même freine sa propre production, permet au corps de revenir au calme. La défaillance de ce mécanisme est une caractéristique centrale du stress chronique (Sapolsky et al., 1986).
Partie 2 : Du Bon Stress à l'Épuisement
Hans Selye (1956) a modélisé la réponse à un stress prolongé à travers son Syndrome Général d'Adaptation (SGA), qui se déroule en trois phases.
Phase 1 : Alarme. C'est la réaction de choc initiale, la mobilisation immédiate du "combat ou fuite" via l'adrénaline.
Phase 2 : Résistance. Si le stresseur persiste, le corps s'adapte. Le cortisol prend le relais pour fournir une énergie constante, mais cela a un coût physiologique important.
Phase 3 : Épuisement. Si l'exposition est trop longue, les capacités d'adaptation sont dépassées. Les réserves s'épuisent, les systèmes de régulation défaillent, et les effets néfastes sur la santé apparaissent.
Le stress n'est pas toujours négatif. L'eustress (stress positif) nous stimule face à un défi. Il devient détresse (stress négatif) lorsque les stresseurs sont perçus comme incontrôlables et prolongés. C'est cette détresse chronique qui mène à la phase d'épuisement. Pour décrire cette "usure" progressive, le neuroscientifique Bruce McEwen (1998) a introduit le concept de charge allostatique : le prix que notre corps paie pour une adaptation constante.
Partie 3 : Les Conséquences Systémiques de la Charge Allostatique
La charge allostatique affecte la quasi-totalité de nos systèmes. Voici un panorama des impacts les plus documentés.
Cerveau et Santé Mentale : Le Centre de Commandement Débordé
Mécanismes : L'excès de cortisol est toxique pour l'hippocampe (siège de la mémoire), où il provoque une rétraction des connexions neuronales (Vyas et al., 2002) et freine la naissance de nouveaux neurones. Cette atrophie est observée dans la dépression majeure et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) (Lupien et al., 2009). Parallèlement, il perturbe le cortex préfrontal (prise de décision) et suractive l'amygdale (centre de la peur).
Manifestations : Difficultés de concentration, troubles de la mémoire, irritabilité, anxiété, et risque accru de dépression et de burnout (Maslach & Leiter, 2016).
Système Cardiovasculaire : Le Moteur en Surchauffe
Mécanismes : L'adrénaline et le cortisol maintenus à des niveaux élevés entraînent une hypertension artérielle chronique, favorisent l'inflammation de la paroi des artères (dysfonction endothéliale) et augmentent le "mauvais cholestérol", facilitant la formation de plaques d'athérosclérose (Steptoe & Kivimäki, 2012). Le stress augmente aussi la coagulabilité du sang, favorisant la formation de caillots.
Manifestations : Risque accru d'hypertension, d'infarctus du myocarde et d'Accident Vasculaire Cérébral (AVC) (Steptoe & Kivimäki, 2012).
Métabolisme : La Gestion de l'Énergie Déréglée
Mécanismes : Le cortisol s'oppose à l'action de l'insuline. Les cellules deviennent "résistantes à l'insuline", forçant le pancréas à en produire toujours plus, jusqu'à l'épuisement de ses cellules productrices (Yaribeygi et al., 2017). Il favorise aussi le stockage de graisse au niveau abdominal, une graisse métaboliquement active qui aggrave le problème.
Manifestations : Risque majeur de syndrome métabolique, d'obésité et de diabète de type 2 (Yaribeygi et al., 2017).
Système Immunitaire : Une Défense Paradoxale
Mécanismes : Le stress chronique induit un état paradoxal. D'un côté, il affaiblit l'immunité adaptative, altérant l'activité des cellules tueuses naturelles (NK) et nous rendant plus vulnérables aux infections virales (Segerstrom & Miller, 2004). De l'autre, les cellules immunitaires deviennent "sourdes" à l'effet anti-inflammatoire du cortisol (un phénomène appelé résistance aux récepteurs des glucocorticoïdes). Cela conduit à un état d'inflammation chronique de bas grade.
Manifestations : Infections plus fréquentes, et aggravation des maladies inflammatoires et auto-immunes (Segerstrom & Miller, 2004).
Système Digestif : L'Axe Cerveau-Intestin sous Tension
Mécanismes : Le stress, via l'axe cerveau-intestin, perturbe la motilité de l'intestin, augmente la perméabilité de sa barrière ("leaky gut") et déséquilibre notre flore intestinale (dysbiose) (Qin et al., 2014).
Manifestations : Douleurs abdominales, reflux, et exacerbation de troubles comme le syndrome de l'intestin irritable (SII) (Qin et al., 2014).
Système Reproducteur : L'Équilibre Hormonal Perturbé
Mécanismes : Le cortisol peut inhiber l'axe hormonal reproducteur (axe hypothalamo-hypophyso-gonadique), interférant avec la production d'œstrogène, de progestérone et de testostérone (Whirledge & Cidlowski, 2010).
Manifestations : Diminution de la libido, troubles du cycle menstruel (cycles irréguliers, aménorrhée), problèmes de fertilité, et dysfonction érectile chez l'homme (Ilacqua et al., 2018).
Systèmes Musculaire, Osseux et Cutané : Les Tensions Visibles
Mécanismes : La tension musculaire constante provoque des douleurs. L'inflammation chronique peut aggraver les conditions articulaires. À long terme, le cortisol peut également interférer avec la formation osseuse et augmenter la production de sébum cutané (Yaribeygi et al., 2017).
Manifestations : Douleurs musculaires et articulaires, maux de tête de tension, risque accru d'ostéoporose, et problèmes de peau comme l'acné, le psoriasis et l'eczéma (Chen & Lyga, 2014).
Système Respiratoire : Le Souffle Court
Mécanismes : La réponse au stress peut provoquer une hyperventilation et un essoufflement. Chez les personnes prédisposées, elle peut déclencher une bronchoconstriction (le resserrement des voies respiratoires) (Ritz et al., 2013).
Manifestations : Déclenchement et aggravation des crises d'asthme (Ritz et al., 2013).
Partie 4 : L'Héritage du Stress - Un Mot sur l'Épigénétique
L'impact du stress peut aller encore plus loin. La recherche en épigénétique montre que le stress chronique peut laisser une signature moléculaire durable sur notre génome. Il ne modifie pas nos gènes, mais agit comme un interrupteur qui peut "allumer" ou "éteindre" certains d'entre eux. Des études montrent que le stress peut altérer l'expression de gènes clés de l'axe du stress, créant une vulnérabilité durable à de futurs stress ou à la dépression (Zannas, 2019).
Conclusion : Écouter le Signal Avant l'Épuisement
Le stress est un mécanisme à double tranchant. Indispensable à notre survie face aux menaces aiguës, son activation chronique par les pressions psychosociales modernes le transforme en un puissant moteur de maladies. Comprendre que le cerveau est à la fois l'orchestrateur et l'une des principales victimes du stress chronique nous aide à voir comment cet état peut devenir auto-entretenu. Reconnaître ces signaux n'est pas une fatalité. C'est le premier pas pour mettre en place des stratégies actives pour désactiver l'alarme et permettre à notre corps et à notre esprit de retrouver leur équilibre.
Pour une analyse exhaustive de ces mécanismes, vous pouvez consulter le rapport complet disponible ici :
https://drive.google.com/file/d/1GAoilEU2-T3w0Boe6BmnV9_bqwxwUtsd/view?usp=drive_link
Pour accéder à la fiche synhtétique de ces mécanismes, vous pouvez vous rendre sur le lien ci-dessous :
https://drive.google.com/file/d/15xjKgENpNDt9hfw3xlUAvdYnCO7DjX2B/view?usp=drive_link
Références bibliographique :
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Ilacqua, A., Izzo, G., Emerenziani, G. P., Baldari, C., & Aversa, A. (2018). Lifestyle and fertility: the influence of stress and quality of life on male fertility. Reproductive Biology and Endocrinology, 16(1), 115. https://doi.org/10.1186/s12958-018-0436-9
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Lupien, S. J., McEwen, B. S., Gunnar, M. R., & Heim, C. (2009). Effects of stress throughout the lifespan on the brain, behaviour and cognition. Nature Reviews Neuroscience, 10(6), 434–445. https://doi.org/10.1038/nrn2639
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Sapolsky, R. M., Krey, L. C., & McEwen, B. S. (1986). The neuroendocrinology of stress and aging: the glucocorticoid cascade hypothesis. Endocrine Reviews, 7(3), 284–301. https://doi.org/10.1210/edrv-7-3-284
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Zannas, A. S. (2019). Epigenetics as a key link between psychosocial stress and aging: concepts, evidence, mechanisms. Dialogues in Clinical Neuroscience, 21(4), 389–396. https://doi.org/10.31887/DCNS.2019.21.4/azannas